
Tilly Norwood : une actrice écossaise accuse l'IA de lui avoir volé son visage et son jeu
En septembre 2025, l'arrivée de Tilly Norwood, une actrice entièrement générée par intelligence artificielle, faisait des vagues à Hollywood. Mais au-delà de la polémique sur l'avenir du métier d'acteur, une accusation plus personnelle a émergé : celle de Briony Monroe, une actrice écossaise qui affirme que son visage et son jeu ont été utilisés sans son consentement pour créer cette IA. Une affaire qui soulève des questions cruciales sur le droit à l'image, la propriété artistique et les limites éthiques de l'intelligence artificielle dans le monde du spectacle.
Qui est Tilly Norwood, l'actrice IA qui fait polémique ?
Tilly Norwood n'est pas une personne réelle, mais une création de Xicoia, la division IA de la société de production Particle6 Group, fondée par l'actrice et productrice néerlandaise Eline Van der Velden. Présentée comme une "actrice IA", elle a été conçue pour devenir une star internationale capable de jouer dans des films, des publicités et des clips vidéo.
Cette IA a fait ses débuts dans le court métrage "AI Commissioner", une comédie entièrement réalisée à l'aide d'outils d'intelligence artificielle, avec un scénario généré par ChatGPT. Malgré une qualité technique critiquée, le projet a rapidement attiré l'attention des médias et de l'industrie du cinéma.
La stratégie de Particle6 est claire : proposer une alternative moins coûteuse aux acteurs traditionnels, avec une réduction potentielle des coûts de production jusqu'à 90%. L'annonce que des (vraies) agences artistiques pourraient signer Tilly Norwood a provoqué de vives réactions.
Briony Monroe : l'actrice écossaise au cœur de la controverse
Briony Monroe est une actrice écossaise de 28 ans, membre du syndicat Equity. Elle a joué dans plusieurs petites productions, dont le film de fantasy "The Slave and the General" et "The Defender", disponible sur la plateforme STV Player.
C'est lors du lancement de Tilly Norwood que Briony Monroe a reçu des messages de contacts et d'internautes lui demandant si elle était à l'origine de cette actrice IA. Une réaction qui l'a profondément troublée et l'a poussée à s'interroger sur l'utilisation potentielle de son image sans son consentement.
Dans une déclaration au Scotsman, elle a exprimé sa préoccupation : "J'ai vraiment peur que mon image, ma performance et mes droits aient été violés, mais le manque de transparence me laisse dans le noir."
Les accusations de vol d'image et de jeu
Briony Monroe ne prétend pas que Tilly Norwood lui ressemble en général. Ses accusations sont plus précises et portent sur deux aspects distincts :
- Une image promotionnelle spécifique : Selon elle, une photo utilisée pour promouvoir le lancement de Tilly Norwood présente une ressemblance frappante avec elle. C'est cette image en particulier qui a déclenché les messages de ses contacts et de nombreux internautes.
- La reproduction de ses manières d'interpréter : Au-delà du visage, elle affirme que certaines de ses expressions, manières de bouger ou d'interpréter ont été reprises dans une scène du "showreel" de Tilly Norwood. Elle évoque donc un vol de performance, pas seulement une ressemblance physique.
Sur ses réseaux sociaux, elle a écrit : "J'ai reçu tellement de messages concernant cette image de l'actrice IA "Tilly Norwood". Soyez conscients que je n'ai consenti à aucune utilisation de mon image, ni aucune production avec laquelle j'ai travaillé."
Les arguments concrets de Briony Monroe
Pour étayer ses accusations, Briony Monroe avance plusieurs arguments :
- L'absence totale de consentement : Elle n'a jamais donné son accord pour que son image ou ses performances soient utilisées, ni directement, ni via une production avec laquelle elle aurait travaillé.
- Le soutien de son syndicat (Equity) : Son syndicat a pris l'affaire au sérieux, l'a soutenue publiquement et a contacté le producteur de Tilly Norwood en son nom.
- Les réactions des internautes et de ses pairs : De nombreuses personnes ont été les premières à alerter Briony Monroe en voyant l'image promotionnelle de Tilly Norwood, confirmant selon elle la perception d'une ressemblance.
Elle précise cependant : "Toutes les autres images de Tilly ne me ressemblent pas - c'est cette image particulière qu'ils ont utilisée pour la promouvoir qui présente une frappante ressemblance avec moi."

La position des créateurs de Tilly Norwood
Face à ces accusations, Eline Van der Velden, la créatrice de Tilly Norwood, a défendu son projet en insistant sur le fait que cette IA n'est pas destinée à remplacer les acteurs humains.
"À ceux qui ont exprimé leur colère face à la création de mon personnage IA, Tilly Norwood, elle n'est pas un remplaçant pour un être humain, mais une œuvre créative - une pièce d'art", a-t-elle déclaré.
Elle compare l'utilisation de l'IA dans le cinéma à d'autres innovations techniques comme l'animation, la marionnette ou les effets spéciaux numériques, qui selon elle, n'ont pas supprimé le besoin d'acteurs réels mais ont simplement offert de nouvelles possibilités créatives.
Concernant les accusations de Briony Monroe, Particle6 n'a pas fourni de réponse détaillée, se contentant de souligner le caractère composite des créations IA, qui mélangeraient de nombreuses références plutôt que de copier une seule personne.
Les réactions dans l'industrie du cinéma
L'affaire Tilly Norwood a provoqué une vague de réactions au sein de la communauté cinématographique. De nombreux acteurs et actrices ont exprimé leur inquiétude face à cette technologie :
- Emily Blunt a décrit le développement comme "vraiment, vraiment effrayant" et a lancé un appel aux agences : "Arrêtez s'il vous plaît. Arrêtez de supprimer notre connexion humaine."
- Whoopi Goldberg a souligné que les acteurs IA ne pourront jamais remplacer les humains : "Vous êtes soudainement confronté à quelque chose qui a été généré avec 5 000 autres acteurs. C'est un peu un avantage déloyal."
- Le syndicat SAG-AFTRA a condamné Tilly Norwood, la qualifiant de "personnage généré par ordinateur entraîné sur le travail d'innombrables professionnels du spectacle, sans expérience de vie, sans émotion et sans art humain."
Plusieurs agences artistiques, dont WME et The Gersh Agency, ont publiquement refusé de représenter Tilly Norwood.
Les enjeux juridiques et éthiques soulevés
L'affaire Briony Monroe vs Tilly Norwood met en lumière plusieurs problématiques juridiques et éthiques complexes :
- Le droit à l'image à l'ère de l'IA : Le cadre juridique actuel est-il suffisant pour protéger les individus contre l'utilisation non autorisée de leur image par des systèmes d'IA ?
- La propriété de la performance : Au-delà du visage, qui détient les droits sur les manières d'interpréter, les expressions et le jeu d'un acteur ?
- La transparence des créations IA : Comment obliger les entreprises à révéler les sources utilisées pour entraîner leurs modèles d'IA, surtout lorsqu'elles combinent de multiples références ?
- Le consentement éclairé : Comment garantir que les acteurs et autres artistes ne voient pas leur travail utilisé sans leur accord pour entraîner des systèmes qui pourraient concurrencer leur propre activité ?
Le syndicat Equity a annoncé qu'il faisait pression pour l'établissement de normes minimales autour de l'IA et pour une législation visant à renforcer les droits des artistes.
Une affaire qui fait jurisprudence ?
Bien que la ressemblance entre Briony Monroe et Tilly Norwood ne soit pas évidente pour tout le monde, cette affaire pourrait devenir une référence dans le débat sur l'IA et le droit à l'image. Plusieurs experts juridiques soulignent que le cas illustre parfaitement les lacunes actuelles de la législation face aux technologies émergentes.
Si Briony Monroe décidait d'engager des poursuites judiciaires, son cas pourrait établir des précédents importants sur :
- La définition juridique du "vol d'image" à l'ère du deepfake et de l'IA générative
- La charge de la preuve dans les cas de ressemblance partielle ou composite
- Les responsabilités des entreprises qui créent et commercialisent des entités IA
L'issue de cette affaire pourrait donc avoir des répercussions bien au-delà du monde du cinéma, touchant tous les secteurs où l'image et la ressemblance sont au cœur de l'activité professionnelle.
Conclusion : entre buzz, réalité et évolution technologique
L'affaire opposant Briony Monroe à Tilly Norwood illustre parfaitement les complexités émergentes à l'intersection de l'intelligence artificielle et des droits individuels. Cependant, il convient d'apporter certaines nuances à ce débat. Certains observateurs s'interrogent sur la possibilité que Briony Monroe, ait trouvé dans cette polémique une opportunité de visibilité médiatique. Dans un paysage médiatique saturé, l'association avec un sujet aussi brûlant que l'IA dans le cinéma peut effectivement offrir une visibilité inespérée à une actrice en devenir.
Cette réserve ne diminue en rien la légitimité des questions soulevées, mais rappelle que les motivations humaines restent multifactorielles, mêlant convictions profondes et calculs stratégiques. Par ailleurs, il est important de contextualiser : les acteurs virtuels ne sont pas une nouveauté absolue. Des expériences comme la création d'Aki Ross en 2001 pour le film Final Fantasy: The Spirits Within ou l'utilisation de CGI pour ressusciter des acteurs décédés avaient déjà ouvert ces débats. Ce qui change aujourd'hui, c'est l'accessibilité des technologies de génération d'images et la démocratisation de leur utilisation, qui transforment ces cas isolés en phénomène de masse potentiel.
Le cas Tilly Norwood marque donc moins une rupture qu'une accélération. Il signale que ce qui relevait autrefois de l'expérimentation technique de pointe devient désormais accessible à des structures de production plus modestes, multipliant d'autant les risques de conflits autour de l'image et de l'identité. L'industrie du cinéma se trouve ainsi à un carrefour : doit-elle encadrer strictement ces usages pour protéger ses artistes, ou embrasser cette révolution technologique en redéfinissant les contours du métier d'acteur ?
Sources
- Tilly Norwood: Scottish actor Briony Monroe claims her image was used in creation of Hollywood AI star – The Scotsman : Article détaillant les accusations de Briony Monroe et sa position face à Tilly Norwood.
- Meet Tilly Norwood, the AI-generated actress facing backlash in Hollywood – ITV : Reportage sur la polémique entourant Tilly Norwood et les réactions à Hollywood.
- Brit actress complains her image was stolen to create Hollywood's first AI superstar – Daily Star : Article sur les accusations de Briony Monroe et le contexte plus large de l'affaire.
- AI Actress Tilly Norwood Sparks Hollywood Backlash – Stylerave : Analyse des réactions de l'industrie cinématographique face à l'arrivée de Tilly Norwood.
Qui est Tilly Norwood ?
Tilly Norwood est une actrice entièrement générée par intelligence artificielle, créée en 2025 par Xicoia, la division IA de la société de production Particle6 Group. Elle a été présentée comme une "actrice IA" capable de jouer dans des films et d'autres productions, provoquant une vive polémique à Hollywood.
Qui est Briony Monroe et que reproche-t-elle à Tilly Norwood ?
Briony Monroe est une actrice écossaise de 28 ans qui accuse les créateurs de Tilly Norwood d'avoir utilisé son image et son jeu d'actrice sans son consentement. Elle affirme qu'une image promotionnelle spécifique de Tilly Norwood lui ressemble fortement et que certaines de ses manières d'interpréter ont été reproduites dans le showreel de l'IA.
Quels sont les arguments de Briony Monroe pour étayer ses accusations ?
Briony Monroe avance plusieurs arguments : la ressemblance frappante d'une image promotionnelle spécifique, la reproduction de ses manières d'interpréter dans une scène du showreel de Tilly Norwood, l'absence totale de son consentement pour l'utilisation de son image, et le soutien de son syndicat Equity qui a contacté les producteurs en son nom.
Comment les créateurs de Tilly Norwood ont-ils répondu aux accusations de vol d'identité ?
Eline Van der Velden, la créatrice de Tilly Norwood, a défendu son projet en le présentant comme une "œuvre créative" plutôt qu'un remplaçant pour les acteurs humains. Elle a comparé l'utilisation de l'IA dans le cinéma à d'autres innovations techniques comme l'animation ou les effets spéciaux. Concernant les accusations de Briony Monroe, Particle6 n'a pas fourni de réponse détaillée, soulignant le caractère composite des créations IA.
Quelles sont les réactions de l'industrie cinématographique face à Tilly Norwood ?
De nombreux acteurs et actrices comme Emily Blunt et Whoopi Goldberg ont exprimé leur inquiétude. Le syndicat SAG-AFTRA a condamné Tilly Norwood, et plusieurs agences artistiques dont WME et The Gersh Agency ont publiquement refusé de la représenter. Le syndicat Equity soutient Briony Monroe et fait pression pour l'établissement de normes minimales autour de l'IA.
Quels sont les enjeux juridiques et éthiques soulevés par Tilly Norwood ?
Cette affaire soulève plusieurs problématiques : le droit à l'image à l'ère de l'IA, la propriété de la performance artistique, la transparence des créations IA, et le consentement éclairé pour l'utilisation de données personnelles à des fins créatives. Elle pourrait établir des précédents juridiques importants sur la définition du "vol d'image" et les responsabilités des entreprises créatrices d'entités IA.