Disney et l'IA : entre discrétion technologique et ambition créative

Disney Research : un laboratoire d'IA méconnu

Derrière les parcs d'attractions et les films d'animation, Disney Research Studios constitue un pôle d'innovation technologique de premier plan. Fondé en 2008, ce réseau de laboratoires travaille sur des problématiques complexes liées à l'IA et au machine learning, avec des publications régulières dans les conférences scientifiques les plus prestigieuses (SIGGRAPH, NeurIPS, ICLR).

Leurs recherches se concentrent sur des domaines très spécifiques :

• Modèles de diffusion pour l'animation et les effets visuels
  
• Algorithmes de deep learning pour l'analyse de données
  
• Robotique expressive et interactive
  
• Outils de rendu et de création assistés par IA
  

Contrairement aux géants de la tech, Disney ne cherche pas à commercialiser ces technologies directement. Elles restent principalement au service de la création interne.

L'IA invisible au service de l'expérience visiteur

Dans les parcs Disney, l'intelligence artificielle est omniprésente mais discrètement intégrée. Le visiteur interagit avec elle sans nécessairement s'en rendre compte. L'exemple le plus emblématique est le MagicBand, ce bracelet connecté qui collecte des données en temps réel pour :

• Personnaliser les interactions avec les personnages
  
• Proposer des recommandations adaptées aux préférences
  
• Optimiser les temps d'attente et les parcours
  

Cette approche illustre la philosophie de Disney : l'IA comme outil au service de l'expérience, pas comme produit en soi. La technologie s'efface derrière la magie.

Les droïdes BDX : quand l'IA donne vie aux robots

Parmi les réalisations les plus visibles de Disney en matière d'IA, les droïdes BDX représentent une avancée significative. Déployés depuis 2023 dans Star Wars: Galaxy's Edge (Disneyland de Californie), ces robots bipèdes utilisent des techniques d'apprentissage par renforcement (reinforcement learning) pour :

• Interagir de manière expressive avec les visiteurs
  
• S'adapter à différents environnements et situations
  
• Afficher une personnalité propre et reconnaissable
  

Kyle Laughlin, senior vice président d'Imagineering Research & Development, les décrit comme un "énorme bond en avant" pour la robotique. Ce qui les distingue, c'est cette étincelle de personnalité qui fait sourire les visiteurs. Grâce à l'IA et au reinforcement learning, un processus de développement qui prenait traditionnellement des années pour concevoir et programmer des robots interactifs peut désormais être accompli en quelques semaines seulement.

Une approche éthique et responsable

Dans un document récent, Disney réaffirme son engagement à utiliser l'IA de manière responsable, éthique et centrée sur l'humain. Le groupe a mis en place un cadre de gouvernance basé sur plusieurs principes :

• Équité et absence de biais discriminatoires
  
• Transparence adaptée aux contextes d'utilisation
  
• Respect des standards de vie privée et de sécurité des données
  
• Protection de la propriété intellectuelle
  
• Supervision humaine appropriée
  

Cette approche contraste avec celle d'autres acteurs qui semblent parfois précipiter leurs déploiements sans garde-fous suffisants. Pour Disney, l'IA doit rester un outil au service de la créativité humaine, pas un substitut.

Stratégie de discrétion : un choix assumé

Contrairement aux géants de la tech qui communiquent massivement sur leurs avancées en IA, Disney préfère mettre en avant la magie plutôt que la technologie sous-jacente. Cette discrétion relève d'une stratégie délibérée où l'IA n'est pas un produit marketing mais un outil créatif, les innovations techniques restant souvent en coulisses pour privilégier l'expérience utilisateur finale. Cette approche explique pourquoi le grand public perçoit peu l'implication de Disney dans l'IA, alors que le groupe est pourtant en pointe dans des domaines très spécifiques comme la robotique expressive ou l'IA créative.

Cette discrétion répond également à une volonté de préserver son image dans un secteur où l'IA suscite des craintes légitimes. Dans l'univers du cinéma et de l'animation, elle est perçue comme une menace pour les emplois créatifs, l'authenticité artistique et même la propriété intellectuelle. Disney ne peut se permettre d'être associé à une "usine à contenu automatisée". En gardant l'IA en coulisses, le groupe évite les controverses, prévient les résistances internes des créatifs et protège l'héritage qui fait sa magie. Une prudence qui s'inscrit dans une gestion stratégique des risques, où la technologie sert l'art sans jamais l'éclipser.

Comparaison avec les autres acteurs de l'IA

Disney n'est pas en concurrence directe avec les Google, OpenAI ou Meta de ce monde. Il occupe une position unique dans l'écosystème de l'IA :

Disney excelle dans des créneaux de niche où l'IA rencontre la narration, l'animation et l'interaction physique, sans chercher à dominer le marché grand public.

Vers de nouvelles applications grand public ?

Si Disney n'a pas encore lancé de produits IA grand public autonomes, plusieurs indices concrets laissent entrevoir une évolution significative :

• Le groupe a créé en 2023 une task force dédiée (un groupe de travail dédié) à l'exploration des applications IA à travers toutes ses divisions : de la production cinématographique aux parcs à thème.
  
• Les avancées en robotique, comme les droïdes BDX déjà déployés dans Star Wars: Galaxy's Edge, pourraient rapidement déboucher sur des produits grand public – imaginez des jouets interactifs ou des compagnons robotiques pour la maison capables d'interactions émotionnelles complexes.
  
• Les outils de création IA développés en interne pourraient être proposés aux créateurs externes, notamment les algorithmes de motion capture assistée par IA, les systèmes de génération d'animations procédurales ou les logiciels de rendu accéléré par deep learning comme ceux utilisés en collaboration avec Pixar.
  

L'avenir pourrait donc voir Disney déployer plus massivement son expertise IA au-delà de ses écosystèmes fermés, tout en conservant cette approche où la technologie reste au service de l'émotion et du récit.