
LinkedIn va utiliser les données personnelles de ses utilisateurs pour entraîner son IA
LinkedIn a officiellement annoncé qu'à partir du 3 novembre 2025, le réseau social professionnel utilisera les données personnelles de ses utilisateurs pour entraîner son intelligence artificielle générative. Depuis le 18 septembre 2025, les utilisateurs ont la possibilité de s'opposer à cette pratique, mais l'option est activée par défaut. Cette décision s'inscrit dans une tendance plus large des réseaux sociaux, comme Facebook (Meta), qui exploitent déjà les données de leurs utilisateurs pour développer leurs IA. Elle soulève des questions importantes sur la vie privée, le consentement et l'équilibre entre innovation technologique et protection des données à l'ère du RGPD.
Quelles données seront utilisées par LinkedIn ?
Concrètement, LinkedIn prévoit d'exploiter une large gamme de données générées par les utilisateurs pour alimenter ses algorithmes d'IA. Selon les informations officielles communiquées par la plateforme, cela inclut :
- Les informations de votre profil (nom, prénom, photo, poste, formation, compétences)
- Le contenu que vous publiez (articles, posts, commentaires)
- Votre historique de recherches et d'activités
- Les données techniques (adresse IP, identifiant d'appareil, type de navigateur)
- Votre tranche d'âge, genre, centres d'intérêts estimés et localisation
- Votre employeur, adresse e-mail et pièce d'identité (pour les badges de vérification)
- Les données saisies dans les outils d'IA et vos retours/commentaires
Seuls les messages privés et les données salariales sont formellement exclus de cet entraînement. Ces données permettront à LinkedIn d'améliorer ses fonctionnalités d'IA générative, notamment pour aider les recruteurs à trouver plus facilement des candidats et assister les membres dans la création de contenu.
La procédure d'opt-out : comment s'opposer ?
Face aux réactions des utilisateurs et des autorités de protection des données, LinkedIn a mis en place une procédure de désactivation accessible mais peu visible. Pour refuser que vos données soient utilisées pour l'entraînement de l'IA :
1. Connectez-vous à votre compte LinkedIn
2. Cliquez sur votre photo de profil en haut à droite
3. Sélectionnez "Paramètres et confidentialité"
4. Cliquez sur "Confidentialité des données"
5. Décochez l'option "Utiliser mes données pour entraîner des modèles d'IA de création de contenus"
Cette manipulation est possible jusqu'au 3 novembre 2025, date à laquelle LinkedIn commencera officiellement à utiliser les données pour l'entraînement. Passé cette date, l'option restera disponible mais les données collectées entre-temps pourront déjà avoir été utilisées.

Le cadre légal : l'intérêt légitime en question
LinkedIn justifie cette pratique en s'appuyant sur la notion d'"intérêt légitime", l'une des bases légales prévues par le RGPD pour le traitement des données personnelles. Selon la plateforme, cette utilisation des données permettra à leurs modèles d'IA d'"être plus représentatifs pour les membres à travers le monde, en intégrant des nuances linguistiques et culturelles supplémentaires".
Cependant, cette justification est contestée par de nombreux experts juridiques et autorités de protection des données. La CNIL française a déjà exprimé ses réserves, soulignant que la conformité de tels traitements dépend largement des garanties techniques mises en œuvre pour empêcher que des données personnelles ne soient mémorisées puis divulguées par les modèles d'IA.
La CNIL est en contact régulier avec l'autorité de protection irlandaise (DPC), compétente pour LinkedIn puisque le réseau social a son siège européen en Irlande. Elle veille particulièrement à ce que les utilisateurs soient "informés de manière suffisamment claire" et puissent "exercer leurs droits sur ces dernières".
Facebook, un précurseur dans l'utilisation des données pour l'IA
LinkedIn n'est pas le premier réseau social à exploiter les données des utilisateurs pour entraîner son IA. Facebook (devenu Meta) utilise déjà depuis plusieurs années les données de ses plus de 3 milliards d'utilisateurs actifs mensuels pour développer ses modèles d'intelligence artificielle.
En 2023, Meta avait déjà annoncé que toutes les données publiques partagées sur Facebook et Instagram seraient utilisées pour entraîner ses modèles d'IA, y compris les posts, photos, vidéos et commentaires. La société de Mark Zuckerberg va encore plus loin que LinkedIn puisque même les messages privés sur Facebook Messenger et Instagram Direct peuvent être analysés dans certaines conditions.
Cette stratégie a permis à Meta de développer rapidement des outils d'IA générative compétitifs, mais a également valu à l'entreprise plusieurs enquêtes et amendes de la part des autorités de protection des données européennes. L'approche de LinkedIn semble donc s'inscrire dans cette même logique, avec toutefois certaines limites comme l'exclusion des messages privés pour l'entraînement.
Les implications pour les utilisateurs professionnels
Pour les professionnels et entreprises présents sur LinkedIn, cette décision soulève plusieurs interrogations légitimes :
- Visibilité potentielle réduite : Certains experts craignent que les profils ayant désactivé cette option puissent être désavantagés en termes de visibilité, bien que LinkedIn n'ait pas confirmé cette théorie.
- Exploitation de l'expertise : Vos connaissances et compétences partagées pourraient servir à former des systèmes qui concurrenceront directement les experts humains dans certains domaines.
- Risques pour les entreprises : Les informations stratégiques partagées sur la plateforme pourraient être utilisées pour développer des outils concurrentiels ou analyser les tendances du marché.
- Profilage accru : L'analyse approfondie de vos données pourrait aboutir à des prédictions sur votre carrière ou vos intentions professionnelles, avec des implications potentielles pour votre vie privée.
Ces enjeux sont particulièrement sensibles pour les secteurs où la propriété intellectuelle et le savoir-faire constituent des avantages compétitifs majeurs.
La position des autorités de protection des données
Les autorités de protection des données européennes suivent de près cette évolution. La CNIL a clairement indiqué que plusieurs conditions doivent être remplies pour que ce type de traitement soit conforme au RGPD :
- Information claire : Les utilisateurs doivent être informés de manière suffisamment précise de l'utilisation de leurs données
- Droit d'opposition effectif : La procédure de désactivation doit être simple et accessible
- Mesures techniques appropriées : Le développeur doit mettre en place des garanties pour empêcher que des données personnelles ne soient mémorisées puis divulguées par les modèles d'IA
- Principe de minimisation : Seules les catégories de données strictement nécessaires devraient être utilisées
La CNIL souligne également l'importance des mesures d'anonymisation et de la sélection rigoureuse des données utilisées pour l'entraînement. Ces recommandations pourraient influencer l'évolution des pratiques de LinkedIn et d'autres plateformes dans les mois à venir.
Au-delà de LinkedIn : une tendance de fond
L'initiative de LinkedIn s'inscrit dans une tendance de fond qui transforme en profondeur le paysage numérique actuel. En effet, les plateformes numériques cherchent de plus en plus à valoriser les données utilisateurs pour développer leurs capacités d'intelligence artificielle, comme l'a déjà démontré Facebook avec ses modèles d'IA qui exploitent massivement les informations personnelles. Cette évolution soulève des questions fondamentales sur l'équilibre délicat entre innovation technologique et protection de la vie privée, un défi qui devient central dans notre société numérique.
Ainsi, il est probable que nous assistions dans les années à venir à un renforcement des cadres réglementaires spécifiquement dédiés à l'utilisation des données pour l'entraînement d'IA. Parallèlement, on peut s'attendre à l'émergence de modèles économiques innovants où les utilisateurs seraient rémunérés pour la contribution de leurs données, tandis que se développeraient des technologies d'IA respectueuses de la vie privée, communément appelées Privacy-Enhancing Technologies. En outre, une pression croissante s'exercerait sur les plateformes pour qu'elles adoptent une plus grande transparence concernant leurs pratiques d'utilisation des données.
Finalement, la bataille pour le contrôle des données personnelles est loin d'être terminée, et LinkedIn comme Facebook ne représentent que la partie émergée d'un mouvement beaucoup plus vaste qui redéfinit progressivement notre relation au numérique à l'ère de l'IA générative."
Sources
- Mise à jour des Conditions générales et de l'utilisation des données de Linkdin :
- Meta's Privacy Policy : Politique de confidentialité de Meta décrivant l'utilisation des données pour l'entraînement de l'IA.
À partir de quand LinkedIn utilisera-t-il mes données pour entraîner son IA ?
LinkedIn commencera officiellement à utiliser les données des utilisateurs pour entraîner son IA générative à partir du 3 novembre 2025. Cependant, la plateforme a déjà commencé à informer les utilisateurs et leur permet de s'opposer à cette utilisation depuis le 18 septembre 2025.
Puis-je refuser que LinkedIn utilise mes données pour entraîner son IA ?
Oui, vous pouvez vous opposer à cette utilisation en allant dans Paramètres > Confidentialité des données et en décochant l'option "Utiliser mes données pour entraîner des modèles d'IA de création de contenus". Cette option est activée par défaut et vous devez la désactiver manuellement avant le 3 novembre 2025.
Facebook utilise-t-il aussi les données des utilisateurs pour entraîner son IA ?
Oui, Facebook (Meta) utilise depuis plusieurs années les données de ses utilisateurs pour entraîner ses modèles d'IA, y compris les posts, photos, vidéos publiques et, sous certaines conditions, même les messages privés. Meta va plus loin que LinkedIn dans l'utilisation des données pour l'entraînement de l'IA.
Quelles données précises LinkedIn utilisera-t-il pour l'entraînement de son IA ?
LinkedIn utilisera les informations de votre profil (nom, photo, poste, compétences), le contenu que vous publiez, votre historique de recherches et d'activités, les données techniques (adresse IP, type de navigateur), votre tranche d'âge, genre, centres d'intérêts, localisation, employeur, adresse e-mail, pièce d'identité pour les badges de vérification, et les données saisies dans les outils d'IA. Seuls les messages privés et les données salariales sont exclus.
Est-ce que je serai désavantagé si je désactive l'option concernant l'utilisation des données personnes pour entrainer l'IA sur Linkdin ?
LinkedIn n'a pas confirmé que les profils désactivant cette option seraient désavantagés. Cependant, certains experts craignent une potentielle réduction de visibilité pour ces profils. LinkedIn affirme que vous pourrez continuer à utiliser toutes les fonctionnalités d'IA générative même si vous désactivez cette option.
L'utilisation des données personnes pour entrainer une IA est-elle légale en Europe avec le RGPD ?
LinkedIn justifie cette pratique par l'"intérêt légitime", une base légale prévue par le RGPD. Cependant, cette interprétation est contestée par les autorités de protection des données. La CNIL française souligne que la conformité dépend des garanties techniques mises en œuvre pour protéger les données personnelles et de la clarté de l'information fournie aux utilisateurs.