Michael Burry et la bulle de l'IA

Michael Burry : L'homme qui a prédit la crise de 2008 s'attaque maintenant à la bulle de l'IA

L'investisseur Michael Burry, rendu célèbre pour avoir anticipé la crise des subprimes de 2008, sonne une nouvelle alarme. Cette fois, sa cible n'est pas l'immobilier, mais le secteur le plus en vue de la tech : l'intelligence artificielle. Selon lui, une bulle spéculative se forme, avec le géant des puces Nvidia en son épicentre. Analysons sa thèse, qui divise les experts et force à s'interroger sur la solidité des valorisations actuelles.

Qui est Michael Burry, la sentinelle des marchés ?

Pour comprendre la portée de ses avertissements, il faut connaître l'homme. Michael Burry n'est pas un analyste ordinaire. Médecin de formation, il est un autodidacte de la finance qui a fondé le fonds d'investissement Scion Asset Management.

Ce qui le distingue, c'est sa capacité à mener des analyses contrariennes, basées sur une plongée en profondeur dans les documents financiers que peu d'investisseurs prennent le temps de lire. En 2007, alors que tous s'enrichissaient sur le marché immobilier, il a analysé les titrisations de prêts subprimes et a parié contre le système. Son intuition, étayée par des faits, s'est avérée juste et lui a rapporté des milliards de dollars.

Sa réputation d'intégrité et d'indépendance d'esprit fait de chaque prise de position un événement. En novembre 2025, il a annoncé la fermeture de son fonds pour se consacrer à l'analyse et au partage de ses idées, libéré des contraintes de la gestion d'actifs pour tiers.


Rendement de Scion Asset Management

La Thèse de la Bulle IA : Un Écho du Passé

Le cœur de l'argumentaire de Burry repose sur une analogie historique puissante. Il voit dans la frénésie actuelle pour l'IA une répétition des erreurs de la bulle Internet de la fin des années 1990 et, plus précisément, de la bulle des télécoms du début des années 2000.

Nvidia, le Cisco des années 2000

Dans sa comparaison, Nvidia est le nouveau Cisco. À l'époque, Cisco était le fournisseur incontournable des équipements réseau. Les entreprises de télécoms dépensaient des fortunes pour acheter ses routeurs, convaincues que le trafic Internet allait croître indéfiniment. Le résultat fut une surconstruction massive d'infrastructures (notamment de la fibre optique) qui n'a jamais été utilisée, menant à un krach spectaculaire.

Aujourd'hui, Burry observe le même schéma. Les géants de la tech (les "hyperscalers" comme Google, Amazon, Microsoft) annoncent des plans d'investissement colossaux, estimés à près de 3 000 milliards de dollars en infrastructures IA sur les trois prochaines années. Au centre de cet écosystème, Nvidia vend les "pelles et pioches" indispensables à cette ruée vers l'or. Burry craint que, comme pour la fibre optique, la demande réelle ne soit pas à la hauteur de l'offre en cours de construction.

Des critiques comptables pointues

Burry ne se contente pas d'une vision macroéconomique. Il s'appuie sur une analyse financière détaillée qui, selon lui, révèle des pratiques comptables agressives chez Nvidia. Ses principaux griefs sont précis et méritent d'être détaillés :

  • La rémunération par actions (Stock-Based Compensation) : Nvidia rémunère une partie de ses employés en leur donnant des actions. Burry estime que cette pratique est excessive. Chaque nouvelle action émise dilue la part des actionnaires existants, un peu comme si on ajoutait de l'eau à un verre de vin. C'est un moyen de payer les employés sans puiser dans la trésorerie, ce qui peut masquer le vrai coût de fonctionnement de l'entreprise.
  • La durée d'amortissement des puces (GPU) : Burry s'attaque à la durée sur laquelle les clients d'Nvidia étalent le coût de leurs puces, généralement 4 à 6 ans. Il juge cette période trop optimiste. Dans un secteur où la technologie évolue à une vitesse fulgurante, un GPU de pointe aujourd'hui pourrait être largement dépassé dans trois ans. En étirant cette durée, les entreprises peuvent présenter des profits plus élevés à court terme, mais au prix d'une vision irréaliste de la valeur future de leurs actifs.
  • Le risque de financement circulaire : Enfin, Burry soulève un point plus subtil. Nvidia investit dans de nombreuses startups spécialisées dans l'IA. Ces startups ont besoin de capital pour se développer et dépensent une grande partie de cet argent... en achetant des puces Nvidia. Burry questionne l'authenticité de cette demande : est-elle organique ou partiellement créée par les propres investissements de Nvidia, ce qui gonflerait artificiellement ses chiffres de vente ?

La Riposte de Nvidia : Un Géant sur la Défensive

Face à ces accusations, la réaction de Nvidia a été inhabituellement directe. L'entreprise a fait circuler un memo de sept pages aux analystes financiers pour déconstruire point par point la thèse de Burry. Le fait même qu'un géant de la tech s'abaisse à répondre publiquement à un investisseur "short" (qui parie sur la baisse) montre à quel point les critiques sont prises au sérieux. Voici leurs principaux contre-arguments :

  • Sur la rémunération par actions : Nvidia reconnaît utiliser ce système mais le justifie comme une pratique standard dans le secteur de la haute technologie pour attirer et retenir les meilleurs talents. L'entreprise précise que son programme massif de rachat d'actions (plus de 90 milliards de dollars depuis 2018) compense largement la dilution créée par l'émission de nouvelles actions pour les employés.
  • Sur l'amortissement des GPU : Nvidia explique que ce ne sont pas eux qui fixent la durée d'amortissement, mais leurs clients (les hyperscalers), en se basant sur l'utilisation réelle et la longévité des puces. Ils affirment que des modèles plus anciens, comme le A100 sorti en 2020, sont encore très largement utilisés et conservent une grande valeur économique, justifiant une durée de vie utile de 4 à 6 ans.
  • Sur le financement circulaire : Nvidia déformalise cette idée. L'entreprise assure que ses investissements stratégiques dans les startups représentent une part infime de son chiffre d'affaires total. Elle ajoute que ces startups lèvent leur capital principalement auprès de fonds de capital-risque et d'autres investisseurs externes, et non grâce à Nvidia.

Faut-il croire Michael Burry ?

La question reste ouverte. L'IA n'est peut-être pas une simple bulle, mais une véritable révolution technologique aux fondations solides. Cependant, l'avertissement de Burry est un rappel essentiel à la prudence. Il nous invite à regarder derrière le rideau de l'enthousiasme et à nous poser les bonnes questions : les valorisations actuelles sont-elles justifiées ? La demande suivra-t-elle l'offre colossale en cours ?

Que l'on partage son avis ou non, ignorer la voix de Michael Burry serait une erreur. Son analyse est une pièce essentielle du débat, offrant une perspective contrarienne et profondément nécessaire dans un marché souvent emporté par l'euphorie.

Sources


Qui est Michael Burry ?

Michael Burry est un investisseur américain célèbre pour avoir anticipé et profité de la crise des subprimes de 2008, une histoire racontée dans le film et le livre 'The Big Short'. Il est le fondateur de l'ancien fonds d'investissement Scion Asset Management.

Pourquoi Michael Burry compare-t-il Nvidia à Cisco ?

Il compare Nvidia à Cisco car, selon lui, Nvidia occupe la même position centrale que Cisco dans les années 2000. Cisco vendait les équipements essentiels pour l'Internet, et Nvidia vend aujourd'hui les puces (GPU) essentielles pour l'IA. Il craint une surconstruction d'infrastructures IA, similaire à la bulle de la fibre optique.

Quelles sont les critiques principales de Michael Burry envers Nvidia ?

Ses critiques principales portent sur trois points : une utilisation massive de la rémunération par actions qui dilue les actionnaires, une durée d'amortissement des puces qu'il juge trop longue, et un risque de financement circulaire où Nvidia investirait dans des clients qui lui rachèteraient ensuite ses produits.

Est-ce que l'intelligence artificielle est une bulle selon Michael Burry ?

Oui, Michael Burry pense que le secteur de l'intelligence artificielle est dans une bulle spéculative. Il met en garde contre un surinvestissement massif dans les infrastructures, qui pourrait ne pas être soutenu par une demande réelle et durable, rappelant la bulle Internet des années 2000.

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