
McDonald's retire sa pub IA : analyse d'un échec évitable
En décembre 2025, McDonald's Pays-Bas a pris une décision inhabituelle : retirer prématurément sa campagne publicitaire de Noël. La raison ? Cette publicité, entièrement réalisée avec l'intelligence artificielle générative, a provoqué une vague de critiques sans précédent. Mais au-delà de la polémique, cet épisode est un cas d'école fascinant sur les limites actuelles de l'IA, la stratégie de marque et les attentes du public.
Chronique d'un échec rapide
La séquence a été fulgurante. Le 6 décembre, McDonald's publie la publicité sur YouTube. Intitulée "la période la plus terrible de l'année", elle dépeint avec humour les stress des fêtes pour promouvoir un réconfort chez le fast-food. Dès le 6 au 9 décembre, une tempête de critiques s'abat sur les réseaux sociaux. Le 10 décembre, soit à peine quatre jours après sa sortie, la marque retire la pub et présente ses excuses. Un cycle médiatique complet en moins d'une semaine.
Une qualité visuelle qui a choqué
Le cœur du problème résidait dans le résultat final. Les spectateurs ont immédiatement identifié les signes caractéristiques de l'IA vidéo actuelle : des visages interchangeables, des mains aux mouvements bizarres, une physique décalée et un montage saccadé. Des internautes l'ont qualifiée de "the most god-awful ad I've seen this year" (la pub la plus épouvantable que j'aie vue cette année) et de "good riddance to AI slop" (bon débarras à la bouillie IA). L'esthétique globale, perçue comme froide et inauthentique, a créé un effet de rejet immédiat.

Qui a fait quoi et pourquoi le débat a dérapé
Pour comprendre cet échec, il faut regarder les coulisses. La chaîne de fast-food n'a pas agi seule. Le projet a impliqué plusieurs acteurs, chacun avec un rôle précis, dont la collaboration a mené à cette polémique.
Les coulisses d'une création 100% IA
La chaîne de commande est claire. McDonald's Pays-Bas était le client final, celui qui a validé et publié la campagne. L'idée créative est venue de l'agence de publicité TBWA\NEBOKO, qui a imaginé ce concept "humoristique". Pour la réalisation, TBWA a fait appel à une société de production spécialisée, The Sweetshop, qui a eu pour mission de concrétiser le projet en utilisant l'intelligence artificielle générative. C'est donc une chaîne de décision classique, mais avec une technologie d'exécution nouvelle et mal maîtrisée.
Le débat éthique et écologique qui a enflammé la critique
La polémique a rapidement dépassé la simple esthétique pour toucher des questions plus profondes. D'une part, le débat éthique sur le remplacement humain. La PDG de The Sweetshop, Melanie Bridge, a défendu son travail en expliquant que le projet avait mobilisé dix personnes à temps plein pendant cinq semaines. Mais cette défense a eu l'effet inverse. Pour Emlyn Davies, de la société concurrente Bomper Studio, cela soulignait justement le problème : "Dix personnes, c'est très peu par rapport à un tournage traditionnel". La pub a donc été perçue comme un moyen de contourner les créatifs, acteurs et techniciens habituellement indispensables.
D'autre part, le débat écologique. The Sweetshop met en avant sur son site sa "grande préoccupation pour l'environnement". Or, l'entraînement et l'utilisation de modèles d'IA générative sont extrêmement énergivores, nécessitant des centres de données puissants. Cette incohérence entre les valeurs affichées et la technologie utilisée a été immédiatement pointée du doigt par les internautes, ajoutant une couche de méfiance et d'accusation de "greenwashing" technologique.
Plus qu'un ton déplacé : une erreur de contexte
Le cynisme du concept a été très mal reçu. En qualifiant Noël de "pire période de l'année", la marque a heurté une valeur culturelle forte. Pour beaucoup, cette période est sacrée. La pub a donc été vue non pas comme de l'humour, mais comme une déconnexion totale avec l'état d'esprit du public. Une erreur d'autant plus grande que l'IA, incapable de saisir les nuances émotionnelles, a amplifié ce sentiment de froideur.
Stratégies divergentes : McDonald's vs. Coca-Cola
Il est crucial de noter que McDonald's n'a pas été la seule grande marque à utiliser l'IA pour Noël 2025. Coca-Cola a aussi lancé une pub générée par IA. La différence ? Face aux critiques, Coca-Cola a maintenu sa campagne, tandis que McDonald's a plié. Cela montre deux visions : l'une qui assume le rôle de pionnier malgré les risques, l'autre qui privilégie l'écoute immédiate de son client. Aucune stratégie n'est universellement bonne, mais elles révèlent des cultures d'entreprise différentes.
L'IA n'est pas le coupable, le processus créatif l'est
Beaucoup ont conclu à l'échec de l'IA. Or, comme l'a analysé le magazine spécialisé Shots.net, c'est plus nuancé. L'IA n'est qu'un outil. Le vrai problème ici était le processus créatif. L'idée de départ n'était pas assez forte, la chanson ne fonctionnait pas, et le message n'était ni charmant ni festif. Comme le dit l'adage : "Garbage in, garbage out". Une mauvaise idée reste une mauvaise idée, même avec la technologie la plus avancée.
Les leçons à retenir pour les marques
Cet incident est une mine d'or pour toute marque tentée par l'IA générative. Voici trois enseignements clés :
1. La qualité prime sur la nouveauté : Les consommateurs ne pardonnent pas une qualité visuelle médiocre, surtout de la part d'un géant comme McDonald's. L'IA doit être utilisée pour atteindre ou dépasser la qualité actuelle, pas pour la rabaisser au nom de l'innovation.
2. L'authenticité est humaine : Une pub de Noël repose sur la chaleur et l'émotion. L'IA est encore incapable de recréer les micro-expressions, les imperfections et la magie du réel qui créent une connexion authentique.
3. Le contexte est roi : L'expérimentation a ses limites. L'utiliser pour une campagne qui touche à des traditions et des émotions profondes est un risque majeur. Il faut savoir choisir ses batailles.
Vers un usage plus mature de l'IA
Cet échec ne signifie pas la fin de l'IA dans la pub. Au contraire, il force l'industrie à mûrir. L'IA a un avenir comme outil d'aide à la création : pour les storyboards, les mood boards, la personnalisation à grande échelle ou les effets spéciaux. Mais en tant que substitut total à la création humaine, surtout pour des campagnes émotionnelles, elle n'est pas encore prête. La vraie compétence ne sera pas de savoir utiliser l'IA, mais de savoir quand et comment ne pas l'utiliser.
Sources
- Aux Pays-Bas, McDonald's arrête une campagne de publicité qui faisait appel à l'IA - Le Monde : Article de fond sur la campagne et les raisons de son retrait.
- McDonald's Netherlands pulls AI Christmas ad after backlash - BBC : Couverture internationale avec des perspectives sur l'usage de l'IA dans la publicité.
- The McDonald's Netherlands AI ad was pulled and, honestly, it's the correction the industry needed - Shots.net : Analyse experte de l'industrie publicitaire, qui va au-delà de la polémique pour questionner le processus créatif.
Pourquoi la publicité de Noël de McDonald's générée par l'IA a-t-elle été si critiquée ?
Elle a été critiquée pour sa qualité visuelle médiocre (effet "froid" et "inauthentique" de l'IA), son ton jugé cynique et inapproprié pour Noël, et les questions éthiques sur le remplacement d'humains et l'impact écologique.
Quelles sont les entreprises qui ont participé à la création de la publicité IA de McDonald's aux Pays-Bas ?
La chaîne de commande implique trois acteurs principaux : McDonald's Pays-Bas (le client), l'agence de publicité TBWA\NEBOKO (le concepteur de l'idée), et la société de production The Sweetshop (chargée de la réalisation technique en utilisant l'IA).
Quel débat éthique la publicité à l'IA de McDonald's a-t-elle provoqué ?
Le principal débat éthique a porté sur le remplacement de professionnels créatifs (acteurs, techniciens, choristes) par l'IA. La défense de la société de production, évoquant une équipe de seulement dix personnes, a été perçue comme un aveu de la suppression d'emplois dans le secteur créatif.
Pourquoi la publicité IA de McDonald's a-t-elle été critiquée sur le plan écologique ?
Le lien réside dans une contradiction perçue : la société de production The Sweetshop met en avant ses préoccupations écologiques, tout en utilisant l'IA, une technologie très énergivore. Cela a été dénoncé comme une forme de greenwashing technologique par les critiques.





