IA et Développement : Mon Retour d'Expérience de Dev Sénior
Développeuse depuis plus de 10 ans, aujourd'hui ingénieure informatique de 35 ans, j'ai vu passer pas mal de tendances. Spécialisée en backend web (JAVA, PHP, Node.js) et dans la migration de monolithes vers des architectures objets modernes, mon quotidien a toujours été rythmé par le code.
Depuis trois ans, un nouvel acteur a bouleversé mes habitudes : l'IA. Voici mon retour d'expérience honnête, sans filtre avec le recul d'une développeuse sénior.
Les débuts : De la curiosité à l'indispensable
Il y a un peu plus de 3 ans, je travaillais en agence de communication, on utilisait ChatGPT pour générer des textes.
Pratique, mais pas révolutionnaire pour mon travail de dev. En parallèle, mon alternant testait les premières versions de Copilot. J'ai essayé, et je dois l'avouer, je n'étais pas convaincue à l'époque. L'outil me semblait limité et je n'y voyais pas un gain de temps réel.
Puis, petit à petit, j'ai commencé à déléguer des micro-tâches : des petits scripts, des extraits de CSS, des questions sur des points que je maîtrisais moins, comme le réseau. Le vrai déclic est arrivé quand j'ai commencé à travailler massivement avec des API.
L'IA, mon super-pouvoir pour les API complexes
En tant que dev backend, je passe ma vie dans les documentations d'API. Et certaines sont un véritable enfer. Je me souviens de l'API Microsoft pour les endpoints Outlook : une documentation incomplète, abstraite, un vrai casse-tête. Discuter directement avec l'IA était bien plus simple. Elle me fournissait des exemples concrets et générait même les requêtes curl pour moi. Un gain de temps précieux.
Aujourd'hui, c'est devenu un réflexe. Sur l'API de Binance par exemple, que j'utilise en ce moment, je n'ai même pas ouvert la documentation officielle. L'IA est devenue mon lecteur de documentation personnel et efficace. Pour moi et beaucoup de mes confrères, l'IA a remplacé les heures de recherche sur Stack Overflow. C'est devenu un moteur de recherche spécialisé, qui connaît mon contexte.
Quand l'IA se prend les pieds dans le tapis
Gagnant en confiance en l'IA, j'ai voulu pousser l'expérience et lui confier des tâches plus complexes, comme du refactoring. Et là, ce fut une autre histoire. Je me souviens d'un refactoring d'une logique de tableau vers des objets. Le résultat était discutable, planté, et pas du tout ce que j'avais en tête.
Le sentiment était étrange : je me retrouvais à débugger du code que je n'avais pas écrit, comme si je travaillais sur le projet d'un autre. J'ai parfois vu des horreurs : des wait() ajoutés pour des raisons mystiques, une sur-ingénierie monumentale pour un simple test... L'IA me paraissait alors comme une sorte d'"alternant brillant mais un peu pompeux". Mes frustrations principales sont :
- Le sur-développement : Je demande un script de 10 lignes pour un test rapide, je reçois 150 lignes avec une gestion d'erreur et des cas spécifiques dont je n'ai pas besoin.
- La syntaxe trop compacte : L'IA adore les syntaxes ultra courtes, qui sont souvent moins lisibles et pénalisent la maintenabilité, avec le tempsc'est devenu un point important pour moi.
- Les dépendances inutiles : Elle a tendance à vouloir charger des librairies pour tout, alors que je privilégie toujours le code natif.
- Les hallucinations : Même si rares, elles sont problématiques. Proposer une solution qui n'existe pas peut faire perdre un temps fou.
Trouver le bon équilibre : mon workflow actuel
Après ces déconvenues, j'ai établi des règles claires. Aujourd'hui, j'utilise l'IA comme un outil puissant, mais avec des limites précises. C'est mon assistant pour :
- La documentation et la compréhension rapide d'une nouvelle API.
- Les scripts simples ou les modifications répétitives.
- Les refactos sans impact architectural majeur.
- En remplacement des petites recherches Google qui accompagnaient avant mon travail.
Pour tout ce qui touche à l'architecture complexe, à la logique métier critique, je reprends le contrôle. J'ai appris à ma grande peine que perdre du temps à comprendre un code IA mal conçu est bien plus frustrant que de l'écrire soi-même.
Le vrai changement : le rôle du dev sénior est en train de muter
Cette expérience m'a fait prendre conscience d'une chose essentielle : la compétence d'un développeur sénior n'est plus seulement de savoir coder. Elle est de savoir garder le cap.
L'IA est un expert générique, incroyablement rapide, mais elle n'a pas le contexte ni la vision d'ensemble du projet. Elle peut résoudre un problème avec une solution techniquement correcte mais totalement inadaptée à votre architecture ou à vos objectifs à long terme. Notre valeur réside désormais dans notre capacité à poser les bonnes questions, à évaluer de manière critique les réponses de l'IA, et à savoir quand lui faire confiance et quand reprendre la main. Nous devenons les architectes de la solution, en utilisant l'IA comme une brique puissante mais pas comme la fondation.
L'IA ne remplacera pas les développeurs seniors. Mais les seniors qui maîtrisent l'IA auront une avance décisive.
Quels sont les avantages concrets de l'IA pour un développeur expérimenté ?
Les avantages principaux sont un gain de temps massif sur la recherche d'information et l'analyse de documentation d'API, la génération rapide de scripts simples et une aide précieuse pour sortir d'une impasse ou comprendre un concept technique.
Pourquoi l'IA peut-elle être contre-productive pour un développeur senior ?
L'IA devient contre-productive sur des tâches complexes comme l'architecture ou le refactoring lourd. Elle peut générer du code sur-ingénieré, difficile à maintenir et qui ne correspond pas à la vision du projet, forçant le développeur à perdre du temps à le corriger ou à le refaire.
Comment l'IA change-t-elle le rôle du développeur senior ?
Le rôle évolue de celui d'un producteur de code à celui d'un validateur et d'un stratège. La compétence clé devient l'expertise du contexte et la vision d'ensemble pour évaluer, corriger et diriger les propositions de l'IA, plutôt que de simplement écrire des lignes de code.
Faut-il encore apprendre à coder avec l'arrivée de l'IA ?
Absolument. L'IA est un outil, pas un remplaçant. Il est fondamental de comprendre les principes de la programmation, les architectures et les bonnes pratiques pour pouvoir utiliser l'IA de manière pertinente et surtout, pour identifier et corriger ses erreurs.
